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L’ambition olympique démesurée d’Athènes, un exemple pour expliquer la crise grecque

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Ce dimanche, près de 10 millions de Grecs sont appelés aux urnes afin de dire « Oui » ou « Non » dans le cadre du référendum relatif aux réformes demandées par les créanciers du pays.

Si l’indécision prime aujourd’hui, il faut dire que la situation se caractérise par une certaine complexité. Car contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, la crise grecque ne date pas d’hier. Elle est ancienne, structurelle et les dernières années n’ont fait qu’amplifier un phénomène silencieux jusqu’alors.

(Crédits - Yorgos Karahalis / Reuters)

(Crédits – Yorgos Karahalis / Reuters)

En ce sens, la candidature et l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été d’Athènes 2004 permettent de prendre la mesure de cette crise. En effet, l’événement olympique est étroitement lié à la situation actuelle et ce, à divers titres.

Lorsque la capitale grecque tente l’aventure olympique de 1996 – finalement attribuée à Atlanta (États-Unis) – le Comité International Olympique (CIO) soulève la question de la solidité économique et financière du pays.

Entrée dans l’Union Européenne en 1981, la Grèce doit déjà se poser la question de mettre en œuvre des réformes afin de consolider une base économique ne reposant que sur le paiement d’impôts et de taxes par une partie mineure de la population.

Les oligarques grecs mais aussi les grandes familles et surtout la puissante et influente Église Grecque Orthodoxe échappent en effet aux impôts, ce qui représente un manque à gagner évidemment conséquent pour le pays.

(Crédits - Athènes 2004 / CIO)

(Crédits – Athènes 2004 / CIO)

Quelques années plus tard, Athènes retente sa chance pour l’organisation des JO 2004.

Attribués en 1997, ces derniers seront un véritable chemin de croix pour le berceau de l’Olympisme.

La corruption, la lourdeur administrative et les retards sont monnaie courante en Grèce et les travaux peinent à démarrer. Il faudra attendre la mise en garde du CIO pour que les autorités engagent réellement un coup d’accélérateur.

Mais quelques semaines avant l’ouverture des Jeux, de nombreux équipements ne sont pas encore achevés – alors que des tests de sécurité et de capacité sont indispensables plusieurs mois à l’avance – et la peinture est encore fraîche lorsque la flamme olympique embrase la vasque du gigantesque Stade aménagé par l’architecte Santiago Calatrava.

Cérémonie d'ouverture des JO 2004 (Crédits - Athènes 2004 / CIO)

Cérémonie d’ouverture des JO 2004 (Crédits – Athènes 2004 / CIO)

La fête olympique fut belle et réussie mais les lendemains ont toutefois réservé bien des surprises aux Grecs.

Ainsi, après la clôture de l’événement international, la plupart des infrastructures sportives ont été laissées à l’abandon. La mauvaise gestion et surtout le manque de planification crédible ont conduit à cette gabegie financière et à ce désastre urbanistique.

Quelques années après les JO, seuls 30% des équipements avaient par exemple trouvé un repreneur, laissant des installations imposantes comme le Stade Olympique ou le parcours de canoë-kayak dans un état de délabrement avancé.

Hormis la finale de la Ligue des Champions 2007 et quelques rencontres de l’équipe locale et nationale de football, le Stade de Calatrava (70 000 places) n’a pas su pérenniser l’ambition initiale de faire de la Grèce et d’Athènes un carrefour majeur du sport en Europe du Sud.

Dès lors, rien d’étonnant à constater que 50 à 100 millions d’euros soient nécessaires chaque année pour assurer la sécurisation et un minimum de gestion des équipements des Jeux de 2004. Depuis, ce sont donc entre 550 millions et 1,1 milliard d’euros qui auraient été mobilisés par les pouvoirs publics pour ce douloureux héritage.

Vue du Village Olympique (Crédits - Milos Bicanski / Getty Images)

Vue du Village Olympique (Crédits – Milos Bicanski / Getty Images)

Le Village Olympique est également un exemple singulier qui permet aussi de constater l’immense gâchis olympique.

Avec une meilleure planification et une rigueur tenace dans la gestion économique, les choses auraient sans doute été différentes.

Toutefois, onze ans après les festivités olympiques et le départ des milliers d’athlètes, le Village est un vaisseau à l’abandon. Quartier nouveau édifié à l’occasion des Jeux, ce vaste espace composé de près de 2 300 appartements devait être un exemple de réhabilitation urbaine et de mixité sociale.

Aujourd’hui, pas moins de 8 000 personnes – dont 90% en situation de précarité sociale – composent ce quartier qui a progressivement perdu de sa superbe.

Au fil des années, le nombre de commerces est ainsi passé de 32 à 4 et ce, sous le coup des hausses de taxes pour les propriétaires et devant l’impossibilité des clients à répondre à l’augmentation parallèle des prix. Les bureaux sont désertés et certains immeubles affichent même de nombreuses vitres brisées.

Au sein des habitants, 60% seraient actuellement au chômage selon le Comité des Citoyens du Village Olympique.

L'une des entrées du Village Olympique (Crédits – Yannis Behrakis / Reuters)

L’une des entrées du Village Olympique (Crédits – Yannis Behrakis / Reuters)

Outre la gestion des installations sportives, Athènes 2004 a aussi laissé des traces en ce qui concerne la réhabilitation promise du site de l’ancien aéroport international d’Athènes-Hellenikon. A l’issue des Jeux, le site devait être transformé en un vaste parc urbain, résidentiel et de loisirs. Une véritable station balnéaire comme vitrine et porte d’entrée d’Athènes.

Toutefois, ce projet de plusieurs milliards d’euros a été stoppé en fin d’année 2014 par la Cour des Comptes de Grèce.

Cette dernière, pointant la manque de transparence dans la vente à 1,2 milliard de dollars du site (1,08 milliard d’euros), a par conséquent remis à plus tard le réaménagement de cette zone côtière.

La société grecque « Lamda » et les groupes « Fosun » (Chine) et « Al Maabar » (Abou Dhabi) ambitionnaient pourtant d’investir 5,9 milliards d’euros sur quinze ans et de créer jusqu’à 50 000 emplois, dont 20 000 durant la phase de construction et d’aménagement du site.

Un coup de pouce qui aurait été profitable à l’ensemble de l’économie grecque.

Néanmoins, sans réformes profondes du système politique et économique du pays et sans volonté indiscutable pour faire payer l’ensemble des citoyens grecs, la cité athénienne et la Grèce ne pourront se relever durablement. Car au-delà de l’issue du scrutin d’aujourd’hui, les aides européennes et celles des parties prenantes au dossier grec ne pourront raisonnablement se pérenniser.

Un pays sous perfusion constante ne peut être compétitif et solide sur ses fondations. La Grèce doit donc désormais se prendre en main et engager le bras de fer – avec ses créanciers bien sûr – mais avant tout avec ses propres démons. Il en va de sa place dans l’Union Européenne et de sa stabilité institutionnelle, politique et économique future.



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